A la une !,  Chroniques d'invités

Drépanocytose & grossesse

Désormais cet espace est à vous ! Vous pourrez retrouver tous les 15 jours un article écrit par l’un(e) d’entre vous ! L’équipe de Tais Toi Quand Tu Parles publie les articles mais le contenu reste la propriété de l’auteur. Nous vous invitons à découvrir, partager et apprendre grâce à ces invités. Bonne lecture

Noémie nous a raconté ici son quotidien avec la drépanocytose. Et déjà que devenir maman peut être angoissant, mais devoir vivre sa grossesse avec la drépanocytose c’est une épreuve encore plus difficile. Elle se confie sur cette étape de sa vie.

Il y a un presque deux ans, j’ai eu un enfant. Quand j’ai appris ma grossesse, j’ai tout de suite mis au courant le médecin qui me suit depuis mon plus jeune âge à l’hôpital. J’ai dû arrêter mon traitement quotidien qui n’était pas compatible avec la grossesse, au risque de voir revenir les crises de manière plus fréquentes. Les médecins ont alors décidé de mettre en place un protocole de soins et de suivi particuliers. La grossesse d’une femme drépanocytaire est davantage suivie qu’une grossesse ordinaire car elle peut-être dangereuse autant pour la mère que pour l’enfant. Dès le départ, il fallait que j’ai des prises de sang régulières, pour vérifier que mon taux d’hémoglobines n’était pas trop bas. Cela leur a permis de voir que mon foie subissait un dérèglement. J’ai donc eu la mise en place d’un cycle de transfusion sanguine mensuel que j’ai dû interrompre après deux séances car mon taux d’hémoglobine ne remontait pas. J’ai dû arrêter de travailler car j’ai eu plusieurs crises successives ainsi que des hospitalisations. Je devais prendre plusieurs médicaments, et même parfois de la morphine par transfusion.

C’était horrible car je culpabilisais beaucoup en me disant que je droguais mon enfants, mais en même temps, si mes crises étaient plus importantes, je pouvais empêcher l’oxygène d’arriver jusqu’à mon bébé. Imaginez-vous la situation ? j’étais prise entre deux feux sachant que peu importe ma décision, ce que je déciderai aura une incidence pour mon bien, ou celui de notre bébé. C’était une grossesse difficile, surtout dans les débuts, les 3 premiers mois, le temps que mon corps se fasse à tous ces changements qui bouleversent le corps d’une femme lors de la grossesse.

Les 3 mois suivants se sont plutôt bien déroulés, j’étais toujours autant suivie, j’avais des échographies tous les deux mois (et plus quand j’étais moi-même en souffrance, pour vérifier que le bébé ne subissait pas les effets de ma crise), j’étais très anémiée et très fatiguée et j’ai subi en parallèle des événements qui ont mis mon corps et ma résistance à rude épreuve mais j’arrivais quand même à vivre normalement, à sortir, à voir mes amis : j’ai même pu participer à EVJF de mon amie ainsi qu’à son mariage ! Alors que je redoutais ces journées, mon corps ne m’a pas lâché et mon bébé m’a donné l’énergie nécessaire !

Au début du 8ème mois, la fatigue était de plus en plus présente. J’ai fais une crise qui m’a emmené à une hospitalisation supplémentaire ; mes organes commençaient à fatiguer, j’avais de plus en plus de douleurs en plus des contractions. Et en plus j’étais très anémiée. Au bout d’une semaine d’hospitalisation, voyant que cela ne s’arrangeait pas, les médecins ont alors décidé de me déclencher. Malheureusement, les produits qui déclenchent les accouchements est assez violents et ne m’ont pas du tout réussis. Ils ont produits des contractions très violentes qui se sont accompagnées de douleurs à la poitrine (m’empêchant de bien respirer) ainsi que dans le bas du dos. Les médecins avaient prévu de me faire une péridurale mais les douleurs s’accéléraient et se propageaient et en parallèle, ils ont vu que mon fils souffrait également et avait son rythme cardiaque qui ralentissait. Ils devaient le sortir de là ! Les médecins ont alors procédé à une césarienne en urgence…

De mon accouchement, je ne me souviens que de peu de choses, les douleurs en salle d’accouchement, de mon départ pour la salle d’opération mon compagnon me tenant la main et cette main me lâchant. La dernière chose dont je me souviens, après la césarienne, on m’a réveillée quelques minutes pour que je puisse voir mon fils juste avant de m’emmener dans un service différent à l’autre bout de l’hôpital. J’ai les larmes qui me viennent aux yeux quand je repense  au fait que je n’ai vu mon fils que quelques minutes (et en plus, j’étais encore sous les effets de l’anesthésie donc ces souvenirs sont flous…).

Comme je n’étais pas présente et  ne pouvais pas m’occuper de lui, il a été emmené en néonatologie. C’est là bas qu’il a vécu ses 4 premiers jours auprès de sages-femmes et d’infirmières, avec heureusement la présence de son père qui pouvait passer nuit et jour car pour ma part, j’essayais de me remettre de cet accouchement difficile qui fût suivi le lendemain d’une réouverture et re-fermeture de ma cicatrice de césarienne. Et oui, on ne pouvait pas finir sur une note heureuse ! En effet, le lendemain de mon accouchement, je me plaignais de douleurs (toujours en réanimation, à moitié dans le brouillard).  Ce qui aurait pu être normal, mais en  changeant mon pansement, l’infirmière s’est rendu compte que quelque chose n’était pas normal : il y avait beaucoup plus de sang que d’ordinaire: ils m’ont ausculté et m’ont prévenu : « on va devoir vous réopérer madame, votre cicatrice à  développer un abcès de paroi » WTF it is ? Je ne sais pas mais à ce moment là,  j’avais vraiment l’impression que tout était contre moi.

Il m’ont réopéré en urgence et forcément, je suis restée une journée supplémentaire en réanimation pour une surveillance approfondie et pour avoir du repos optimal soit 4 jours en tout. Heureusement, j’avais quand même le droit de recevoir des visites de ma famille et de mes amis mais pour être honnête, et pardon à vous mes amis et ma famille, j’étais tellement dans le brouillard, tellement fatiguée, que je ne me souviens plus de tout, de vos cadeaux de vos mots d’apaisement et de bonheur… c’est dur à avouer ici mais je crois que j’ai même dû m’endormir à cause de la morphine pendant que l’on parlait, et j’en suis désolée.

drépanocytose et grossesse temoignage

J’attendais une seule chose, revoir mon fils que je n’avais même pas pu porter ni serrer dans mes bras tellement j’étais « stone » et que je n’avais revu par ailleurs que via des photos. J’ai essayé de me remettre au plus vite afin d’être transférée au service maternité et de pouvoir commencer ma vie de jeune maman. Même si ma cicatrice était fraîche, même si les douleurs étaient là, je devais surmonter tout ça pour mon fils, me lever la nuit pour le nourrir, le changer, le câliner, faire sa connaissance ! Il a d’ailleurs été dépisté, par le test de Guthrie : Au 4ème jour de vie, quelques gouttes de sang (9 exactement) sont prélevées par piqûre sur le talon de tous les bébés normalement (mais particulièrement les bébé à risque). Les gouttes de sang  sont envoyées en laboratoire d’analyse pour détecter 5 maladies dont la drépanocytose. On nous explique que si nous n’avons pas de retour sous 2 semaines, c’est que tout va bien. Mon fils n’est heureusement pas touché par la maladie et n’est à priori pas non plus porteur sain dieu merci. C’était un de mes plus gros stress pendant la grossesse, me dire que je pouvais transmettre cette fichue maladie à mon bébé. J’y ai beaucoup pensé et ai beaucoup prié pour que cela n’arrive pas.

Je voudrais remercier mon mari. Cette situation a été très difficile pour lui également qui était partagé entre la joie d’accueillir notre fils, et l’inquiétude de ma situation, il faisait la navette entre mon fils et moi, à l’opposé dans deux bâtiments différents pendant 4 jours, se reposant peu et s’est occupé de notre bébé pendant ses premiers jours de vie, lui donnant ce que je n’avais pas pu lui donner et lui offrant la présence et l’amour qu’il méritait après cette aventure… merci à lui d’être là pour moi <3

Je vis aujourd’hui la vie d’une jeune femme « ordinaire », jeune mère, femme active (même si après l’épisode de la grossesse, je n’ai eu qu’une envie, profiter de mon bout chou et c’est ce que j’ai fait pendant plus d’un an). J’ai appris à « dompter » ma maladie, à en limiter les effets, à anticiper la douleur. Cependant, je garde toujours à l’esprit quand je fais des efforts inhabituels, quand je cours dans, les transports, pour attraper mon RER, quand je ne me suis pas assez couverte ou quand j’ai une semaine chargée ou stressante, qu’il faut avant tout que je me ménage, que je fasse les choses à mon rythme, car une crise est vite arrivée et alors, toutes ces petites choses que j’essaye de préserver comme ma santé, ou ma vie de famille passeront alors au second plan. Je n’ai depuis l’accouchement pas eu de crises graves  et je me bats pour que ça continue.

shield-1020318_1280

Si vous lisez ce texte, si vous faites parties des populations dont j’ai parlé, même issu du métissage, si dans votre famille, il y a des cas, je vous en prie, faites-vous dépister ainsi que votre compagnon. Vous éviterez beaucoup de souffrance à votre famille, à vos enfants. Comme je l’ai dit c’est une maladie avec laquelle on vit, Elle peut quand même être handicapante. Mais je me souviens avoir souvent dit à ma mère quand j’étais en crise enfant « mais pourquoi tu m’as fait ça ? Pourquoi c’est moi, pourquoi je subis ça ? » Les effets de la crise nous rendent irritables, et les choses deviennent négatives (pardon maman, je m’excuse aussi).

Noémie

+ D’INFOS ET TÉMOIGNAGES DE PATIENTS ET DU CORPS MÉDICAL…

http://www.ladrepanocytose.com/pages/temoignages.php?idT=10

FMDT : Fédération de malades drépanocytaires et thalassémiques à laquelle sont affiliées (parmi d’autres associations) :

– SOS GLOBI 94 : Val-de-Marne
– SOS GLOBI RHONE-ALPES : Lyon
– HEMA13 : Marseille
– DREPA31 : Toulouse
SOS GLOBI PARIS : Association de drépanocytaires de Paris
URACA : Unité de Réflexion et d’Action des Communautés Africaines : une association de migrants africains pour la solidarité en France et en Afrique

Amie, femme, entrepreneuse... La vie est compliquée, j'oeuvre pour me la simplifier !

10 commentaires

  • Binta

    Ce texte est très emouvant… Noemie tu es une meére courage!
    Bravo a toi et à ta force mentale!
    Etre mère c est un combat de tout les jours…depuis l annonce de la grossesse jusqu’à notre dernier souffle. Sauf que pour certaine l épreuve est bcp plus facile que pour d autres!

    Bravo encore!
    Je te souhaites bcp de bonheur et une meilleur santé auprès des tiens 😉

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *